Dans les articles phares du CRBLM, nous soulignons le travail actuel et en cours de nos membres sur divers sujets. Les publications “Connexions recherche / applications concrètes” se concentrent sur un seul article publié, donnant un très court résumé et mettant en évidence des applications potentielles à des questions de politique réelles.
Connexions recherche / applications concrètes : Différences de sexe et risque d'Alzheimer
Article de blog par Mehrgol Tiv
Traduction par Audrey Delcenserie
Référence: Subramaniapillai, S., Rajagopal, S., Snytte, J., Otto, R., Einstein, G. et M. N. Rajah. (2021). Sex differences in brain aging among adults with APOE4 genetic risk and family history of Alzheimer’s Disease. Neuroimage: Clinical.
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Selon l’Association Alzheimer, une personne sur neuf âgée de 65 ans et plus souffre de la maladie d’Alzheimer. Quels facteurs prédisent qu’une personne est susceptible de développer la maladie d’Alzheimer à un âge avancé ? Des chercheurs de l’Université McGill, du Centre de recherche de l’Institut Douglas, de l’Université de Toronto, du Rotman Research Institute, de l’Université de Linköping et du Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique ont découvert que parmi les personnes ayant une certaine forme génétique et des antécédents familiaux de la maladie d’Alzheimer, les femmes peuvent être plus à risque que les hommes ayant des profils similaires.
La maladie d’Alzheimer est une maladie du cerveau caractérisée par une détérioration de la mémoire et de la pensée qui perturbe la vie quotidienne. Pour beaucoup, cette maladie peut également entraîner des défis sociaux et économiques. Cependant, certaines personnes sont plus à risque de développer la maladie d’Alzheimer que d’autres. Par exemple, les femmes représentent les deux tiers des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. De même, le cerveau de certaines personnes vieillit naturellement plus vite que celui des autres. Cela signifie qu’une personne de 40 ans peut avoir un cerveau qui ressemble davantage à celui d’une personne moyenne de 30 ans (un cerveau plus jeune) ou plus similaire à celui d’une personne moyenne de 50 ans (un cerveau plus âgé). Les personnes ayant un cerveau plus âgé ont un risque plus grand de développer la maladie d’Alzheimer, tout comme les personnes atteintes d’une forme spécifique d’un gène (APOE) ou celles qui ont des antécédents de maladie d’Alzheimer dans la famille. Bien que ces risques (sexe et/ou genre, forme génétique, antécédents familiaux) ne soient pas modifiables, il existe également des facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer qui peuvent être modifiés, notamment l’indice de masse corporelle (IMC), la pression artérielle et l’activité physique. Bien qu’il soit important de noter qu’aucun de ces risques, qu’ils soient modifiables ou non, ne signifie que la personne développera définitivement la maladie d’Alzheimer, la manière dont ces facteurs interagissent pour exposer certaines personnes à un risque plus élevé que d’autres n’est pas claire.
Cet article révèle que les facteurs de risque non modifiables (forme génétique) et modifiables (IMC et activité physique) se manifestent différemment chez les femmes et les hommes qui ont déjà des antécédents familiaux de maladie d’Alzheimer. Les femmes présentant ces facteurs de risque biologiques ont un cerveau d’apparence plus âgée que celui des hommes, ce qui pourrait signifier que ces femmes ont plus de chances de développer la maladie d’Alzheimer dans le futur. En outre, chez les personnes présentant un risque accru de maladie d’Alzheimer, les facteurs qui préservent le poids corporel (IMC élevé, faible activité physique) pourraient avoir des effets différents pour les femmes et les hommes. Par exemple, un IMC élevé peut avoir un effet protecteur sur les femmes présentant un risque de maladie d’Alzheimer, en raison de ce qui se passe avec l’hormone œstrogène après que les femmes aient atteint la ménopause à un âge plus avancé. Chez les personnes ménopausées, la principale source d’œstrogènes se déplace des ovaires vers les tissus adipeux et la perte de cette graisse peut diminuer la quantité totale d’œstrogènes dans leur organisme pour lutter contre les maladies du cerveau, comme la maladie d’Alzheimer.
Cette recherche met en lumière plusieurs implications politiques clés liées à la maladie d’Alzheimer. Premièrement, il est nécessaire d’augmenter le financement de la recherche afin de soutenir les études qui examinent les facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer pour les personnes de différents sexes et genres, ce qui inclut les personnes qui ont changé de sexe biologique, ainsi que les différentes pratiques, rôles et attentes socioculturelles fondés sur le sexe et le genre. Par exemple, les auteurs soulignent que dans les familles ayant des antécédents de maladie d’Alzheimer, on attend souvent des femmes qu’elles s’occupent de la famille, et ce stress supplémentaire peut les exposer à un risque accru de développer elles-mêmes la maladie d’Alzheimer. Cette perspective peut éclairer la Stratégie sur la démence pour le Canada (2019), dont le plan d’action est en cours d’élaboration, afin de centraliser la recherche sur les différences démographiques potentielles. Une deuxième implication politique va au-delà de la recherche et concerne la détection, les soins préventifs et le traitement précoce. Comme le montre cette étude, la prise en compte de divers facteurs de risque peut conduire à une évaluation plus nuancée des personnes qui sont plus ou moins susceptibles de développer la maladie d’Alzheimer. Ce type d’information, s’il est intégré dans les politiques et les programmes de santé publique, peut soulager les spécialistes médicaux et le système de santé publique de certaines charges financières et de capacités, permettant ainsi à un plus grand nombre de personnes d’avoir accès plus tôt aux soins et aux traitements.