Dans les articles phares du CRBLM, nous soulignons le travail actuel et en cours de nos membres sur divers sujets. Les publications “Connexions recherche / applications concrètes” se concentrent sur un seul article publié, donnant un très court résumé et mettant en évidence des applications potentielles à des questions de politique réelles.
Connexions recherche / applications concrètes : formation musicale et linguistique
Article de blog par Mehrgol Tiv
Traduction par Audrey Delcenserie
Référence: Vaquero, L., Rousseau, P. N., Vozian, D., Klein, D., & Penhune, V. (2020) (co-dernière auteure). Music and Language training are not the same: Differential impact on structural connectivity linked to early experience. NeuroImage, https://doi.org/10.1016/j.neuroimage.2020.116689
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La structure du cerveau d’une personne est déterminée par ses gènes avant sa naissance. Cependant, lorsqu’une personne interagit avec son environnement tout au long de sa vie, le cerveau peut former de nouvelles connexions entre les régions critiques pour s’adapter à ces expériences. Des chercheurs de l’Université Concordia, de l’Université McGill, du Centre de recherche sur le Cerveau, le Langage et la Musique et du Laboratoire International de Recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son ont découvert qu’une formation musicale à long terme ainsi que l’utilisation de deux langues peuvent mener à ce type de reconfiguration dans le cerveau.
Ces changements ont été constatés dans la taille des connexions entre les régions du cerveau impliquées dans le traitement des sons et le contrôle des mouvements, puisque la production de musique et de la parole nécessite la coordination des sons et des mouvements (par exemple, façonner la bouche pour créer différents sons, disposer les doigts pour jouer différentes notes sur un instrument). Il est intéressant de noter que l’impact de l’expérience linguistique sur le cerveau diffère de celui de l’expérience musicale, et que les deux dépendent de l’âge auquel une deuxième langue ou une formation musicale a débuté. L’expérience du langage a augmenté les connexions entre les régions cérébrales du son et du mouvement dans le côté gauche du cerveau, qui est le côté du cerveau le plus impliqué dans le traitement du langage, en particulier lorsque deux langues ont été apprises dès la naissance. L’expérience musicale a augmenté les connexions entre ces mêmes régions cérébrales du côté droit du cerveau, en particulier lorsque la formation musicale a commencé tôt dans la vie et avant l’âge de sept ans. Outre ces changements cérébraux, les musiciens entraînés étaient plus à même de distinguer les mélodies musicales que les non-musiciens. En ce qui concerne les performances non musicales, telles que l’intelligence générale, la mémoire ou les capacités de raisonnement, aucune différence n’a été constatée entre une formation musicale précoce et un apprentissage précoce des langues. Cependant, les musiciens formés, et ce à tout âge, avaient des scores d’intelligence plus élevés que les non-musiciens ayant appris une deuxième langue plus tard dans leur vie. Dans l’ensemble, l’exposition précoce à une pratique intensive du langage ou de la musique peut être formatrice pour le développement du cerveau et les performances mentales.
Cette recherche offre au minimum trois applications concrètes pertinentes pour le public, les éducateurs et les décideurs. Premièrement, les résultats peuvent (1) informer le public des implications cérébrales et comportementales du moment choisi pour apprendre une deuxième langue ou pratiquer la musique. Plus précisément, cet article démontre que plus l’acquisition d’une seconde langue et de compétences musicales est précoce, plus l’impact sur le cerveau et le comportement est important. Cela signifie que les expériences à la maison, avant qu’un enfant ne commence l’école, peuvent avoir une influence sur le développement de son cerveau. Toutefois, il est important de garder à l’esprit que tous les foyers ne sont pas également en mesure de soutenir l’apprentissage de la langue et de la musique, et ce pour diverses raisons, notamment la présence d’inégalités économiques, raciales ou migratoires. Ainsi, ces résultats peuvent également être utilisés pour (2) conseiller les éducateurs afin de trouver des solutions équitables pour l’enseignement des langues et de la musique afin de réduire ces disparités potentielles. Par exemple, l’enseignement des langues et de la musique peut être ajouté aux programmes scolaires dès les premières années, et les écoles peuvent proposer un transport à domicile pour les enfants inscrits à des programmes de langues et de musique après l’école si les personnes qui en ont la charge travaillent ou ne peuvent pas venir les chercher. Enfin, ces résultats peuvent servir de guide pour (3) déterminer si et comment les décideurs politiques règlementent le langage dans des contextes qui façonnent l’exposition des enfants au langage, notamment les panneaux publics dans les quartiers d’habitation, les centres de la petite enfance et les établissements d’enseignement. Cette application peut être particulièrement pertinente au Québec, où ces aspects de l’usage de la langue sont réglementés par des politiques.